Jeune coureur d’une équipe Bretagne-Séché qui carbure en ces premiers mois de 2014, Clément Koretzky a pris le temps de se confier à la Chronique du Vélo, afin de dresser son portrait. Celui d’un coureur attachant, combatif et déterminé. Alors que la perspective d’un premier Tour de France se profile au loin, l’Héraultais refuse de conditionner sa saison autour d’un unique événement, et reste centré sur ses habitudes offensives, alors même que les baroudeurs ont de moins en moins leur mot à dire.

Bonjour Clément. Avant toute chose, parlons de votre ascension chez les professionnels. Vous étiez à l’origine plutôt axé sur le cyclo-cross et le VTT, non ?

C’est ça, j’étais plutôt axé sur des disciplines comme le cyclo-cross ou encore le VTT. Le déclic pour arriver sur la route est venu du plaisir que j’éprouvais sur le vélo. Je suis quelqu’un qui fonctionne à l’envie, à l’instinct. J’attaque pas n’importe quand, à n’importe quel endroit, et cette réflexion combinée à ce petit jeu est beaucoup plus intéressante dans mon cas. Je l’avais perdu en VTT. D’autant que sur la route, j’ai retrouvé des aspects techniques venant du VTT, comme sur Paris-Roubaix. Cela m’aide bien, et je vois que mon parcours de gamin n’était pas mauvais ; il me sert encore à l’heure actuelle.

Pour un coureur du Sud de la France comme vous, était-ce important de passer par La Pomme ?

C’est sur que, quand on est jeune, il ne faut pas associer le passage chez les pros à la maturité immédiate. Il y a des étapes à ne pas louper, certains coureurs décident d’aller directement au sein d’équipes World Tour. Pour moi, c’était probablement mieux d’aller dans une équipe comme La Pomme, de rester dans le Sud, de porter leurs couleurs et leurs valeurs. J’ai évolué avec eux, et c’est désormais super de découvrir autre chose et de confirmer au sein de Bretagne – Séché.

On parle souvent de l’important vivier de jeunes issu de la structure provençale. Vous confirmez que l’environnement est favorable ?

C’était idéal pour prendre mes marques, mais même si on peut penser que la confiance était très forte au sein du groupe, il faut toujours relativiser, c’est ce que l’on nous apprend au quotidien. En plus, dans le milieu du haut niveau, la pression n’est pas du tout la même, et il fallait s’y adapter judicieusement. Moi, je suis un gros bosseur à l’entraînement, et parfois, j’ai l’envie de trop bien faire. J’en tire une expérience formatrice très positive.

Votre première saison professionnelle fut satisfaisante et on vous avait découvert sur le Tour du Haut-Var, sur le Critérium International, et sur le Grand Prix de la Somme…

Même si je prenais un peu au jour le jour les courses qui se profilaient, j’ai prouvé que j’étais assez polyvalent. J’ai réussi à me débrouiller sur presque tout les types de terrains. Dans les bosses j’étais au rendez-vous, mais je suis aussi capable de réaliser de bonnes performances au sprint… Après lors du Grand Prix de la Somme, c’était une échappée ou j’ai su tirer mon épingle du jeu. Et au final, grâce à ma pointe de vitesse, je termine deuxième devant le poisson-pilote d’Arnaud Démare (Mickaël Delage, ndlr), malgré le fait que le Lituanien (Edvaldas Siskevicius, à l’époque lui aussi chez La Pomme, ndlr) était sorti au bon moment. Sur le Haut-Var, je m’étais aussi faufilé dans une échappée à huit sur un terrain qui grimpait sans arrêt, et au final quand le rythme s’accélérait, j’ai répondu présent, jouant la gagne et terminant sur le podium. Je suis encore jeune, je dois apprendre de ces résultats, mais c’est surtout grâce à ça que j’ai pu évoluer dans la hiérarchie et apprendre à me connaître.

Cette année vous avez commencé la saison tambour battant, terminant meilleur grimpeur d’une Etoile de Bessèges prolifique pour l’équipe Bretagne-Séché !

En réalité, j’avais déjà prévu d’être présent dès le début de la saison, et c’est chose faite. Après, le résultat n’est pas là sur une étape au sens propre, ni sur un général, mais le fait de ramener le maillot de meilleur grimpeur à la maison n’est pas anodin. J’ai été dans deux échappées durant cette Etoile de Bessèges. Le premier coup, on s’est fait rattraper à dix kilomètres de l’arrivée, tandis que le second, il ne me manquait plus qu’un petit kilomètre ! Je suis vraiment passé tout près, et j’espère que cela va finir par payer. Je dois continuer à bien m’entraîner et à me faire violence, comme j’ai essayé de le faire tout l’hiver. Je pense être plus fort qu’auparavant, mais la part d’incertitude dans vélo reste de mise. Il faut une part de réussite, et on verra comment les choses tourneront, mais un maillot distinctif, c’est déjà ça de pris pour moi et pour l’équipe. Les petits résultats de chacun s’accumulent et forgent la motivation au sein de l’équipe, c’est très positif. On a tous envie de bien faire, on le ressent en course comme à table !

Que pouvez-vous nous dire sur l’apport des deux coureurs étrangers que sont le Norvégien Vegard Stake Laengen et l’Argentin Eduardo Sepulveda ? Apportent-ils des approches et des mentalités différentes ?

C’est clair qu’on voit deux cultures différentes s’opposer. Chez Eduardo, c’est la vie latine par définition, comme on peut la trouver dans le Sud de la France, ou chez les Espagnols et les Italiens. Il aime naturellement beaucoup parler, on rigole un peu plus avec lui. C’est quelqu’un de sérieux bien évidemment, mais on partage un petit peu plus qu’avec le Vegard Stake, que je compare plus volontiers aux Allemands, très concentrés sur leur métier avant tout. Après, on les prend comme ils sont, c’est évident que tout les deux nous apportent un plus. L’an dernier, grâce à Laengen on est allés en mai sur le Tour de Norvège tandis qu’en janvier dernier, on s’est rendu à San Luis grâce à Sepulveda. On peut dire que cela ouvre des portes, et que malgré la barrière de la langue, on voit tout de même différentes visions du quotidien.

Et vous, votre mentalité ? Peut-on dire que vous voulez à tout prix couper court à toute sorte de scénario prédéfini ?

Il y a une part de vérité dans ce que vous dites, en effet, mais si le déroulement d’une course reste identique aux prédictions, je peux aussi me sacrifier pour mon sprinteur ou mon leader. Même si je suis aussi rapide au sprint, j’aime protéger mes coéquipiers dans certains moments. Quand vous montez chez les pros, vous cotôyez le meilleur du gratin mondial, les meilleurs sprinteurs, les meilleurs grimpeurs. On ne peut pas dire comme chez les amateurs qu’en étant à peu près doué dans les bosses, on s’en sortira. Non, c’est impossible. Je ne pense pas être le plus fort dans l’un ou l’autre des domaines, je dois donc être opportuniste, et provoquer la chance. Comme on peut remarquer que les courses sont de plus en plus stéréotypées, que le scénario est déjà écrit à l’avance, je dois me battre. Et pour cela, je dois avouer que je suis bien heureux chez Bretagne-Séché, où l’on retrouve cette volonté. Mais il n’y a pas non plus que moi. Regardez mon coéquipier Benoît Jarrier, qui a attaqué lors de la première étape à Bessèges. L’échappée est allée au bout et il a été récompensé.

La marche était-elle finalement plus haute pour passer de La Pomme à Bretagne que pour devenir professionnel ?

Oui si on se fie aux résultats tels qu’ils sont écrits, puisque cette saison 2013 n’a pas été bonne. Mais la marche n’était pas si haute pour autant. Il faut dire que je n’ai pas été aidé par mes nombreux problèmes physiques. L’hiver n’était pas top, puis je me suis cassé la clavicule, ce qui m’a écarté des courses pendant cinq mois. Sans cette longue absence, je pense que j’aurais vraiment pu mieux faire. La clavicule m’a lâché juste après Paris-Roubaix, et quand on voit ce que j’avais réalisé sur l’Enfer du Nord, on peut vraiment dire que j’avais franchi un cap par rapport à l’année 2012, et que j’étais sûrement plus fort. Comme je l’ai dis, si n’importe qui va regarder un tableau des résultats, il dira que ma saison était ratée, mais non. On réussit une saison dans le vélo aussi du côté des points de vue mentaux et physiques. Je sens que je progresse régulièrement d’année en année. On peut toujours se casser quelque chose à un moment donné, et il faut savoir revenir plus fort !

Cette invitation pour le Tour de France tombe à pic ! Même si nous sommes encore loin du mois de juillet, est-ce déjà un objectif pour vous ? Les grandes lignes de l’équipe qui sera envoyée au Yorkshire se dessinent-elle déjà ?

J’ai bien sûr d’autres objectifs avant le Tour de France, mais si vous entendez un coureur dire qu’il ne veut pas disputer la Grande Boucle, vous pouvez être sur qu’il ment. Bien sûr que j’ai envie d’y prendre part, mais seuls mes dirigeants le décideront. C’est la loi du sport, car en participant à de telles épreuves, la sélection se fait de manière naturelle. C’est le jeu, et je m’y attendais. Je suis prêt à montrer toutes mes capacités, mais cela ne changera rien au quotidien. Il y a de très bons coureurs dans l’équipe qui méritent d’y aller. Après, pourquoi pas moi ? Pour cela, je me dois de prouver que je sais gagner des courses.

La première semaine, typiquement conçue pour les baroudeurs, pourrait vous convenir…

Je dois avouer que je n’ai fait que regarder le parcours de très loin, j’ai à peine écouté ce qu’il se disait, mais c’est vrai que les contours ont l’air attrayants pour quelqu’un comme moi. Même si je peux faire quelque chose sur un sprint, en bosse, ou lors d’un chrono, il faut rester les pieds sur terre, c’est quasiment impossible de battre les meilleurs du monde. Après, quand tu vas dans une échappée, il faut savoir mener sa barque, et je pense que je suis quelqu’un de malin, donc rien n’est impossible. Mais ce n’est pas une chose à quoi je pense jour et nuit, je préfère me concentrer sur l’immédiat.

Va t-on vous voir aussi déterminé sur Paris-Nice ?

Oui, Paris-Nice est une course qui me fait vraiment envie, et à l’heure actuelle, je pense vraiment que je peux y aller sans me dire que je n’ai pas l’expérience nécessaire. J’ai enfin la maturité suffisante pour pouvoir y faire un truc.

Et quid des Championnats de France ?

L’an dernier, j’étais vraiment déçu de ne pas avoir pu courir à cause de ma clavicule cassée, je venais de me faire opérer… J’avais pris du plaisir sur Paris-Roubaix, alors les ribinoù de Bretagne auraient pu me convenir. Alors, même si on ne connait pas encore le parcours de l’édition 2014, on a toujours un coup à jouer, il faut essayer, et on sert toujours à quelque chose pour l’équipe lorsque le circuit n’est pas fait pour vous.

Votre pointe de vitesse semble être votre meilleur atout, allez-vous continuer à la travailler ou développer un profil complet ? Lors de vos années Espoirs, vous avez quand même levé les bras sur le Tour de la Vallée d’Aoste, réputé montagneux…

Moi, je me définirais plutôt comme un puncheur, qui aime de préférence les arrivées avec un peloton réduit et un faux-plat montant, où tout le monde à déjà le cœur qui bat à 180. Mais il n’y en a pas des masses (rires). A l’avenir, je veux surtout peaufiner mes qualités d’explosivité, en allant encore plus à l’avant. C’est en réalisant plus de kilomètres en échappées qu’on progresse, pas en restant au chaud dans le ventre mou du peloton. Cela faisait longtemps que je n’avais pas éprouvé autant de plaisir sur le vélo, presque depuis 2012, puisque comme je ne m’était jamais rien cassé depuis que je suis né, j’ai eu énormément de mal à gérer cette clavicule cassée l’an passé. A présent, je pars sur de supers résultats, il faut que ça continue.

Puncheur, cela veut dire que les miradors espagnols à 25 % sont dans vos cordes ?

Sur le papier, ça ne me dérange pas plus que ça. Après, il faut dire que je n’ai pas eu l’occasion d’aller sur de si belles courses. En France, avec des arrivées si raides, elles se comptent sur le doigt de la main. Mais c’est quelque chose que j’essayerai quand j’en aurais la possibilité, car dans le futur, se lâcher sur un dernier kilomètre très pentu ne me déplairait pas. Cependant, déjà, il y a la possibilité de faire le Tour de France, alors la Vuelta et les courses espagnoles vont sûrement attendre même si à long terme, c’est une possibilité très intéressante. Je dois malgré tout me concentrer sur mes prochaines courses, et ne pas me projeter trop loin dans l’avenir !

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